lundi 9 mai 2011

Ecrire






Ecrire, à même le silence. Le dos sur le sable, ouvert aux mots. Mots qui se bousculent, qui ont encore du mal à venir. Douleur vive au sortir des tombeaux. Ecrire à même le silence, cet océan de pourquoi, parfois tâché de sang ou d’odeurs de lavande. Oser s’aventurer en soi, là où le verbe nouveau accentue l’éclat de l’ombre ou la joie de la lumière. Là où la parole devient sacrifice. Mais parler toujours, dans le sourire innocent de la nuit qui avance. Ecrire en son écho, de profundis.Je me retrouve au ventre de la terre, abasourdie de mots, et je n’entends plus rien, sinon que l’océan trop chaviré de l’inconscience.

Ecrire, comme aller au delà de la terre trop lointaine, celle qui a porté puis enseveli l’homme avec son avenir.

Le monde est là, immense et bleu, dans la source des visages il y a encore la raison du mot, l’herbe tendre à croquer dans la fenêtre des syllabes.
Ecrire, tracer un chemin, suivre le fil du vent, mais toujours écrire, comme ce que l’on a retenu trop longtemps et qui vient, explose en millions de phrases maintenant célébrées dans leur naissance. Enfin !

mercredi 4 mai 2011

Au soixante douzième étage

Je suis la fille du soixante-douzième étage. Chaque soir, dans ma tête, je tutoie un ange. Je l'appelle Célestin. Il me protège.

Je suis là mais ne vois rien. Les humains sont devenus fourmis. Et leurs cris ressemblent à des chats perdus dans la hantise des nuits. Au soixante-douxième étage, le monde est trop petit, étriqué parait-il.

Il paraît qu'il y a des forêts remplies de cabanes pour les enfants des villes. Un jour, Célestin m'offrira une cabane. Un ange, ça vous fait la courte échelle jusqu'aux étoiles.

Je suis la fille du soixante douzième étage, mais tout le monde s'en fout !

Ce soir, j'attends mon fiancé. Il s'appelle Célestin, il ressemble à un ange ...

Vous avez dit "transports en commun" ?

Que la volonté de l'inspiration éclaire l'âme des sages et veille sur le monde.

Cette foule en masse me donne le tournis. La peur au ventre. L'esprit du grand vide est là, dans le trou béant de la matière. Le monde est sec. Il attend.

Le numéro 17 franchit le socle de la terre, il ne s'élancera pas vers le ciel. Le monde est noir. La sueur à son front, cette foule en masse m'attire. Le vertige est là. Dans l'image froide des regards croisés. Dans cet homme qui semble extirpé de son sommeil, dans cette femme appelant à l'aide... Le monde est là, en quelques morceaux épars, musiques dans les oreilles. Mais qui écoute l'autre dans ce fracas assourdissant et immobile ? Qui pourra secourir d'un sourire un enfant perdu ? Personne !

Le chauffeur du numéro 17 rentre chez lui, embrasse sa femme. Ce soir, il y a un match à la télé.

Mais en vain ...


Au loin là-bas, quelque part en moi, une rue pleine de vie assaille mon âme de mille couleurs. L'enfance revient parfois, comme un livre laissé inachevé. Elle essaye de refleurir entre les ronces, mais le temps l'égratigne avec l'acier de sa lame. Il n'est pourtant pas si méchant, le temps ...

Je ne laisse rien au sommeil ni au jour qui se lève. Le désir chemine au plus profond de mes rêves. Il faudrait parfois s'égarer jusqu'au bout du songe, revenir raconter ... Mais le matin qui arrive comme un voleur emporte tout, même mon silence ...

La fragilité du silence est là, dans le bout d'un nuage.

L'épuisette à la main, l'homme peut toujours essayer d'attraper la lumière ...